Hey ! Faut que je vous dise !
Le week-end a signé le retour du beau temps qui revient nous extirper de notre flemme hivernale. Ainsi, sur l’élan de mon Champion qui est toujours motivé pour tout, je suis allée me renseigner sur des activités qu’il pourrait pratiquer pendant les vacances.
Je dis donc à ce jeune homme que je recherche une activité pour mon loulou polyhandicapé. J’ai senti qu’il n’est pas à l’aise avec les demandes trop spécifiques alors il a appelé sa collègue Corinne. Et puis, qui sait, peut-être qu’entre femmes on se comprendra.
- Corinne ! Corinne ! hurle le jeune homme
Une dame arrive, il lui chuchote un truc, sans doute une introduction, avant d’aller se servir un verre de soda. Comme pour décoincer l’atmosphère, la dame me braque un regard chargé de sympathie et s’approche du comptoir où je me trouve avec le sourire d’une jeune religieuse.
- Bonjour madame ! un bonjour plutôt chantant, en se frottant les mains. On dirait qu’elle vient devant moi pour passer une audition.
Bizarrement, j’étais scotchée, silencieuse. Je ne désire qu’une chose : c’est qu’elle rejoue son entrée une deuxième fois.
- Bonjour ! Je lui réponds en avançant ma main et en enchaînant directement avec la question que je posais à son collègue.
Silence bref. Ensuite petite gêne sur son visage.
- Alors… (éclaircissement de la voix). Votre enfant est… c’est un handicapé « normal » ? Elle mime les guillemets avec les doigts… Enfin, je veux dire euh…
Le fou rire étant un virus congénital en moi, il s’est déclenché sans que je puisse le retenir. Le jeune homme derrière a été contaminé : il a manqué de régurgiter sa gorgée de soda.
Face à moi se trouve Corinne, dont le visage est passé par toutes les couleurs possibles. Tellement j’ai aggravé sa gêne. Comment je vais faire pour redevenir sérieuse ?
Elle s’est confondue en excuses. Elle a commencé à 13h14 et a terminé de s’excuser à 13h48 !
A 13h50 j’y suis arrivée enfin. A redevenir sérieuse. A mettre fin à la maltraitance que ma question a infligée à mon interlocutrice.
Alors je lui dis que mon loulou est polyhandicapé. Il s’en suit une autre question, elle veut savoir la différence entre handicapé et polyhandicapé.
Oui, elle a raison, un handicapé ne sait déjà pas accomplir certaines tâches de la vie quotidienne. Alors un polyhandicapé ça peut être quoi ?
J’avais envie de lui demander si elle connaissait Wikipédia. Mais en fin de compte la réponse était au bout de mes lèvres. Voilà ma définition improvisée:
- En fait, dans une liste de choses que vous savez faire au quotidien, vous pouvez cocher toutes les cases. Chez un handicapé, 1 ou 2 cases sont cochées. Alors chez le polyhandicapé, vous décochez toutes les cases sauf les principales : respirer, voir, écouter, rire, aimer, aimer la vie et s’amuser.
Elle repart sur une série d’excuses encore plus corsées avant de m'avouer qu’en fait elle ne sait pas quelle est la bonne attitude à avoir face à des gens différents.
Ce à quoi je réponds que je ne vois pas d’autre formule à part rester soi-même. Nous ne demandons pas de formule précise sur la façon dont il faut s’adresser à nous. Il n’y a pas de réglage de regard à faire. Je sais ... restons Freestyle quoi !
On rigole ensemble mais Corinne est émue.
- C’est beau ! me dit-elle.
Elle me tend chaleureusement une brochure relatant toutes les activités, dont aucune adaptée à mon polyhandicapé de fils. Je m’assure que le jeune homme derrière a bien récupéré de sa séquence de fou rire et je prends congé de Corinne, qui va bien maintenant, et qui tient à me faire la bise.
Nous nous disons au revoir, à bientôt... tout ce que vous voulez, mais sur fonds de bisous très bruyants.